Jean-Paul Gavard-Perret "Vénus à sa proie arrachée"
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Vénus à sa proie arrachée.
Grâce à la céramique, Lidia Kostanek fait parler le corps féminin d’une langue étrangère, extraordinairement mutique. Sous un côté « fleur bleue » demeure la dimension érotique. Plus de paysage pour les étreintes. Un corps, un visage. Leur lieu. Dans une dérive presque surréaliste Une clarté égare mais l’ombre ne la réduit pas au silence. Le corps reste avenir précieux. Mais n’appartient qu’à lui – rose parmi les roses. Aux limites du vide. Pas plus loin.
Parfois les céramiques font pencher encore plus bas la tête. Et la figent longuement. Cependant, il ne s’agit déjà plus d’une interrogation. Il existe, dans ce constat comme la certitude de l’incertitude, de cette vacance où l’être sans y être est sans cesse ramené.
Par la représentation du corps, la céramique devient une tournure mentale et poétique que tourmente jusqu’à l’obsession sa matière unique. L’artiste la pousse chaque fois plus loin à travers un travail où l’invention passe aussi par un processus de « corrosion », de craquelures. Le corps se boucle sur lui-même sans se fermer, en un cercle vicieux. Il énonce une possibilité de vie et de sur-vie entre le voir et le croire qui refusent l’ultime clôture pour l’ultime certitude : celle de la suspension véritable. Vénus à sa proie est arrachée.
"Vénus à sa proie arrachée : Lidia Kostanek", Salon Litteraire, linternaute.com, 2016
texte © Jean-Paul Gavard-Perret, critique de littérature et art contemporains, poète, écrivain.
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Rose de personne.
Chez Lidia Kostanek l’ellipse prend un tour inattendue. Elle sert de métaphore à la féminité qui devient autonome. Surgit la fleur comme image mère d’une « communauté » (inavouable ?) souvent plus ou moins rejetée dans une sempiternelle pénombre.
La céramique lui accorde un lustre à la fois suranné et postmoderne. Le corps y redevient matière avant d’être image, venue d’un tréfonds, sortie de l’invisible que l’imaginaire masculin transforme en misérables fantasmes.
Au spectacle Lidia Kostanek crée une rhétorique du silence de manière brillante et surréaliste. Mais juste pour faire comprendre la part privée du féminin non sans jouer du dérisoire ou plutôt de l’humour d’une forme particulière de « vanité ». Celle-ci n’est là pour secouer le regard. La femme n’est plus fleur bleue mais rose de personne. Sinon d’elle-même. Son corps reste avenir.
"Rose de personne.", Carnet d’Art .com, 2016
texte © Jean-Paul Gavard-Perret, critique de littérature et art contemporains, poète, écrivain.